Quand la famille s’exile en Normandie

 

Une annotation sur un acte de naissance, et nous voilà tels Sherlock Holmes à fouiller, trifouiller et farfouiller… Mais que venait faire le Calvados en plein registre briécois ? 

Jean Marie SAOUZANET, fils de Alain et Louise LE CORRE  est né le 27/04/1852 à Gurvennou en Edern ; Il est le frère de Corentin (marié à Anne Lannuzel) qui est venu s’installer vers 1872 à Guergaridou. Corentin est le grand père de mon grand père.

Jean Marie étant le cadet d’une fratrie de 6 enfants, et pas de propriété à exploiter n’a pas eu d’autre choix que de devenir valet de ferme… Le 21/09/1873, il se marie avec Marie Anne Le Gall. Elle est née à Kerlestrec en Briec le 18/06/1847 Elle non plus, bien que l’aînée de 4 filles, n’hérite pas d’une ferme puisque ses parents sont également aides cultivateurs…

Les voici donc allant de ferme en ferme pour travailler de ci de là et ainsi de de 1872 à 1880, on les verra d’abord à Kerviny en Briec en 1872 pour Jean Marie qui est domestique chez François Le Roy et Jeanne Donard, puis journalier à Montcouar (1872 à 1873), ensuite journalier à Nénez Pont Guin, lors de son mariage et enfin journalier à Trégagué de 1877 à au moins 1880.

En 1881, Jean Marie et Marie Anne sont domiciliés à Quimper au 31 rue de Pont l’Abbé, Jean Marie est dit cultivateur.

En 1885, Jean Marie est forgeron toujours à Quimper mais il habite en face au 22 rue de Pont L’abbé.

photographies actuelles de la rue de Pont l’Abbé à Quimper (Google maps)

 

Jean Marie SAOUZANET et Marie Anne LE GALL ont 4 enfants :

      -    Alain né le 21/08/1874 à Briec Nénez Pont Guin

-         Marie Jeanne née le 12/01/1877 à Briec Trégagué

-         Jean Marie né le 10/08/1880 à Briec Trégagué

-         Louise née le 12/10/1885 à Quimper 22 rue de Pont l’Abbé

En quelle année se sont ils exilés en Normandie ? On ne trouve aucune trace d’eux entre 1885 et 1891 date à laquelle on les retrouve sur les recensements d’Ablon dans le Calvados.

En 1891, Jean Marie est ouvrier d’usine et habite avec sa famille à Saint Nicol à Ablon.

Ablon, le quartier de l'Usine

En 1896, Ils habitent route Saint Sauveur ; Ne sont recensées que Marie Jeanne 19 ans et Louise 10 ans. Alain et Jean, leurs frères sont peut être journaliers et vivent ailleurs ? 

Le 11 juin 1896, 1er mariage de l’année à Ablon (!) Marie Jeanne SAOUZANET née à Briec (Finistère), fille de Jean Marie journalier et de Marie Anne Le Gall journalière, se marie avec Gustave Eugène Celestin DELOMOSNE, né à Fiquefleur Equainville, employé à l’usine de dynamite d’Ablon, fils d’Arsène Honoré DELOMOSNE chauffeur et de Adélaïde Alexandrine MARECHAL, concierge.

 

Le 02/09/1899 à La Rivière Saint Sauveur (14) a lieu le mariage de Alain SAOUZANET, et de Marguerite Hèlene CORDIER, 21 ans sans profession, fille de Paul Prudent et de Eulalie Marie Séraphine VILLEY, domiciliés à La Rivière Saint Sauveur.

 

Alain SAOUZANET ainsi que ses 2 beaux frères (Gustave CORDIER 25 ans et Paul CORDIER 27 ans) sont jardiniers à La Rivière St Sauveur. Est également témoin Gustave DELOMOSNE, employé d’usine et beau frère du marié.

 

Le 11 avril 1900, Naît à la Rivière Saint Sauveur, quartier de la Fontaine Jourdain, Blanche Yvonne Alexandrine Marie DELOMOSNE, fille de Gustave ouvrier d’usine et de Marie Jeanne SAOUZANET occupée au ménage.

 

En 1901, Jean Marie SAOUZANET, toujours ouvrier à l'usine de matières plastiques et Marie Anne LE GALL habitent route de Genneville à Ablon avec Jean 20 ans, ouvrier à l’usine de matières plastiques à La Rivière et Louise 17 ans, couturière.

 Alain SAOUZANET et Marguerite CORDIER habitent route de Pont Audemer à Ablon. Alain est également ouvrier à l’usine de matières plastiques.

Construite en 1890 et 1893, l’usine de matières plastiques (groupe Nobel) située en plein bourg de la Rivière Saint Sauveur a fermé ses portes en 1985. On y fabriquait notamment de la nitrocellulose pour l’industrie photographique et également la fabrication de baigneurs en celluloïde. En 1900, 200 personnes y travaillaient.

 Après 1901, on ne retrouve aucune trace de Jean Marie et Marie Anne.

 Louise SAOUZANET épouse le 27 mai 1905 à Gonneville sur Honfleur (14) Jean Joseph DOUGUET, né le 31/08/1878 à Quimper Rue de Kerfeunteun, fils de Nicolas Alain né à Saint Coulitz (29) et de Marie Françoise RIVOAL née à Plonevez Porzay. 

En 1911, Gustave DELOMOSNE magasinier à l’usine de dynamite habite le quartier de l’Usine à Ablon avec sa femme Jeanne SAOUZANET et sa fille Blanche.

L’usine de dynamite à Ablon, ainsi que celle de matières plastiques de la Rivière Saint Sauveur appartiennent au groupe Nobel. C’est Alfred Nobel (1833-1896) chimiste et indutriel qui inventa la dynamite

Entrée de l’usine d’Ablon désaffectée de nos jours.

 

La production d’explosifs démarre en juin 1879. En 1916, on dénombre 265 salariés.

De nombreux accidents y ont eu lieu :

- Le 30 octobre 1899, 4 salariés périssent lors d’une terrible explosion dans la cartoucherie n°2 (empaquetage des explosifs).

- Le 26 septembre 1926, trois femmes meurent lors d’une explosion dans la cartoucherie ; celle-ci est complètement détruite.

- Le 1er octobre 1927, une explosion a lieu au laboratoire de l’usine occasionnant le décès de Mr Quesney, 58 ans contremaître ; Mr Boulle, chimiste est blessé ainsi que sa femme.

- Le 31 août 1928, 8 personnes sont tuées, 20 autres blessées et des dégats énormes aux alentours de l’usine (Ablon, La Rivière St Sauveur, Honfleur).

 

Ouest Eclair du 02/09/1928 (Edition de Caen)

 "L'explosion d'Honfleur"

       ------------

Des détails 

Honfleur, 1er septembre. - Dans l'explosison qui s'est produite à l'usine de dynamite d'Ablon, on compte sept morts : MM. Théophile de Mally, Jean Granlin, Jules Quettier, Adolphe Hays, Robert Poissonet, Alphonse Graindorge, Désiré Handelin.

Les blessés sont au nombre de 14 : dont 4 grièvements attents : Ce sont MM. Anthime Leroux, Albert Villey, Armand Bourgeot et Raoul Gaquerel.

Le parquet de Lisieux, le juge d'instruction et le substitut se sont transportés sur les lieux pour continuer l'enquête commencée par le capitaine de gendarmerie de Mougline.

M. Russière, sous-préfet est venu apporter aux famille éprouvées les condoléances du Gourvernement. Les dégâts matériels sont importants dans l'usine et aux environs, notamment dans les communes de la Rivière St Sauveur et Honfleur. Trois bâtiments ont été détruits.

Les cadavres des victimes ont été déchiquetés ; on en a relevé un, ayant notamment les deux jambes et les bras arrachés et le crane sectionné. 

Un blessé succombe 

Honfleur, 1er septembre. - L'une des victimes de l'explosion survenue hier matin à l'usine de dynamite d'Ablon. M. Armand Bourgeot, agé de 54 ans, est décédé hier dans la soirée, des suites de ses blessures, à l'hôpital où il avait été transporte. On ne peut encore se prononcer sur l'état des trois autres blessés, égalements transportés à l'hôpital, et qui portent des plaies nombreuses et assez graves.

 On ignore encore les causes de la catastrophe. 

L'enquête judiciaire ouverte par le Parquet et l'enquête administrative menée par le service des poudres n'ont pas encore fait connaître les causes de la catastrophe.

M. Eusch, le directeur de l'usine de la Société générale pour la fabrication de la dynamite, dont le siège est 67, boulevard Haussmann, à Paris, affirme les inimaginables précautions prises dans les ateliers, la confiance qu'il a dans un personnel d'élite encadré de contremaitres de choix.

Il rappelle les mesures de sécurité : construction légère des bâtiments, sol recouvert de plomb pour éviter tout choc, tunnels, refuges, talus épais, maçonnés à la base, plantes d'arbres de haut jet pour éviter la propagation du danger en cas d'explosion : ouvriers ne travaillant, tous vêtements otés, qu'en combinaisons serrées au cou, au bras, et aux pieds par les contremaîtres chefs d'équipe, et en sandales pour éviter tout choc et toute possibilité d'étincelles.

Cet homme, pour qui les ouvriers ont une véritable affection, conclut :

"Comment cela est-il arrivé ? Je ne le sais. Nous avons pris toutes les précautions possibles, à la suite surtout des pdeux précédentes explosions, mais nous somme à la merci d'un rien !" 

Honfleur, 1er septembre. - M. Bourgeaud, agé de 40 ans, marié, est mort des suites de ses blessures. Travaillant dans le deuxième atelier de pétrissage, il avait eu les deux bras et la clavicule brisés et portait de graves blessures à la tête. L'état des trois autres blessés est toujours grave. Ils souffrent surtout de la commotion qu'ils ont subie au moment de l'explosion. Toute la nuit les gendarmes ont exercé une surveillance sévère autour de l'usine d'Ablon. »

        ----------------------------- 

18 mai 1949 : explosion de 400 kgs d’explosifs, bilan 4 morts

12 mars 1985 : 3 personnes meurent lors de l’explosion d’une cuve de malaxage

5 mars 1987 : explosion dans l’atelier de stockage de nitroglycérine, aucun blessé

3 mars 1988 : 300 kgs de dynamite explosent dans l’atelier d’encartouchage ; 5 personnes décèdent dont le directeur de l’usine, le chef de fabrication et le chef de laboratoire présents dans l’atelier.

Les arbres de la forêt environnante sont déchiquetés, les vitres des boutiques du centre bourg d’Ablon volent en éclat et les déflagrations se répercutent jusqu’à Honfleur distante de 1,16 km.

Suite à cet ultime accident, l’usine ferme définitivement ses portes en 1988 ; 122 personnes y travaillent.

 


Mais revenons à l’année 1911 et à nos cousins normands…

 Jean DOUGUET, ouvrier d’usine d’engrais chimiques et sa femme Louise habitent avec leurs enfants Simonne (née à Ablon en 1906), Alain (1908) et Jean (1910). 

Alain SAOUZANET est dit chef de ménage et habite avec « Marie » CORDIER. Ils n’ont pas d’enfants. 

Les recherches d’après l’état civil s’arrêtent en 1902 et pour les recensements en 1911. 

 Le 19/02/1914, Jean DOUGUET et Louise SAOUZANET ont un fils Ernest.

 Louise décède avant 1922 et Jean se remarie le 22/07/1922 à Ablon avec Germaine Julienne LEROY.

Le 14/09/1922, Blanche DELOMOSNE épouse à Ablon Jules CANU.

 Le mardi 13 mars 1934, Gustave DELOMOSNE, père de Blanche, reçoit des mains du directeur de l’Usine d’Ablon, la médaille d’or du travail.

 

« Ouest Eclair du 16 mars 1934

 ABLON

LE TRAVAIL A L'HONNEUR 

Mardi après-midi, dans un des grands bâtiments de l'usine d'Ablon, se trouvait réunie une nombreuse assistance. Il s'agissait de remettre la médaille d'or du travail à M. Delomosne, qui compte cinquante ans de services dans les ateliers de la "Dynamite d'Ablon". 

A cette occasion, M. Eusch, le directeur de l'usine, avait convié tout le personnel à se joindre à lui pour présenter ses félicitations à leur doyen et collaborateur. 

M. Eusch dans une vibrante allocution célébra les mérites de M.Delomosne dit sa joie et sa fierté en apprenant la bonne nouvelle de la décoration de son fidèle collaborateur. Il rappela la fête à laquelle M. Delosmosne et sa famille avaient été conviés pour recevoir des mains de M. Fleurent directeur de l'Office des Produits Chimiques au ministère du Commerce et de l'Industrie et représentant M. le Ministre, la médaille de vermeil du Gouvernement et la médaille de 50 ans de l'Union des Produits Chimiques. Au cours de cette belle cérémonie du 24 février, M. Le Play, administrateur-délégué de la Société Nobel, félicitait publiquement l'heureux titulaire, dans le majestueux amphithéâtre de la Sorbonne. 

En adressant ses plus chaleureux compliments à M. Delomosne, M .Eusch rappela sa vie toute de labeur et d'honnêteté. Arrivé à Ablon en 1877, aves ses parents qui eux même étaient titulaires de la médaille du Travail, M. Delomosne commença à travailler en 1884 dans l'usine et depuis il ne l'a jamais quittée. 

M. Eusch remercie tous les présents, tant le personne de l'usine d'Ablon que les employés des matières plastiques appartenant à la même Société, et les fonctionnaires attachés à l'usine. 

Après avoir défini le travail et vanté les heureux effets de l'assiduité au travail, M. le Directeur se félicita de voir qu'Ablon compte maintenant deux médaillés de 50 ans, MM. Delosmosne et Maxime Fleury. Aux éloges qu'il venait de faire des titulaires de la médaille d'or, M. Eusch associa tous les médaillés du travail appartenant à la Société Nobel. 

M. Eusch profita de cette occasion pour renouveler à tous ces médaillés ses remerciements pour le concours qu'ils lui ont apporté et ses félicitations pour le bel exemple de fidélité et de dévouement qu'ils donnent aux jeunes ouvriers et ouvrières de l'usine. 

En terminant, M. Eusch dit l'empressement avec lequel tout le personne accueillit l'idée d'offrir un souvenir à M .Delomosne. Il le pria d'accepter un magnifique bronze "Le Devoir" destiner à commémorer et à rappeler la grande sympathie dont M. Delomosne est l'objet à l'Usine. »

 

 

 En 1940 et 1941, Ernest DOUGUET fils de Louise SAOUZANET, soldat 1ère classe du 22è régiment SIM (Section d’Infirmiers Militaires) est prisonnier en Allemagne, détenu au Stalag XI B de Fallingbostel (Basse Saxe).

Le camp est ouvert en octobre 1939 et libéré le 16 avril 1945.

 Ernest est décédé en 1982. Sa famille vit toujours à Ablon. Merci à eux de s’être mis en contact avec moi.

 

Stalag XI B de Fallingbostel

caserne de la 22è SIM à Paris.

 

Cette branche SAOUZANET n’est pas la seule à s’être installée à Ablon et à avoir travaillé à l’usine de dynamite ;

Marie Anne MICHELET et son mari Jean Louis MEVEL sont venus s’installer vers 1902 en Normandie. Jean Louis est également ouvrier à l’usine de dynamite.

Marie Anne est fille de Hervé et Marie SAOUZANET et nièce de Jean Marie SAOUZANET époux de Marie Anne LE GALL.

 Outre la famille SAOUZANET, il y avait également René PETILLON de Kerrien en Briec et sa femme Anna ROLLAND, Yves CROISSANT de Briec, Guillaume RANNOU de Guellen en Briec et sa femme Marie LASSEAU, Corentin DOUGUET de Lindu en Quéménéven (menuisier à l’usine) et sa femme Jeanne GUEGUEN de Kerfenteun, Yves KERVELLA de Cast et sa femme Jeanne, Hervé RANNOU de Plogonnec (plombier à l’usine) et sa femme Joséphine, et bien d’autres encore que nous n’avons pas recensés, du moins pour le moment…